PAS DE CONFITURE D’HERBE A RATS SUR LES HAUTS DE TERRE NOIRE
Une confiture de Pousses de Renouée pour le centre social de l’Arlequin.
Le centre socio-culturel de l’arlequin est propriétaire d’un ancien jardin ouvrier à Terrenoire aujourd’hui abandonné par ses utilisateurs. Principalement du fait de leur vieillissement et d’un manque d’attractivité de ces activités pour les plus jeunes. Avec l’appui de la ferme en chantier, association de médiation en agriculture urbaine, le centre compte mettre en œuvre une formule plus collective, axée sur l’autonomie alimentaire.
Nous nous demandons si la Renouée peut faire partie des plantes collectées et mises en valeur dans cette démarche. C’est dans ce sens que nous imaginons de proposer au collectif du jardin de venir collecter les jeunes pousses au début du printemps pour fabriquer des confitures. Nous avons identifié certaines traces en proximité et nous imaginons pouvoir en trouver une quantité suffisante pour mettre en œuvre cette idée.
Nous énonçons un protocole dans les termes suivants :
« Nous proposons aux utilisateurs du jardin de participer à un travail d’identification et cueillette de la Renouée du Japon, une plante dite «invasive» autour du jardin de Terrenoire puis fabrication d’une confiture dans la cuisine d’extérieure. La jeune pousse de renouée a des qualités gustatives et un emploi proche de la rhubarbe. On la trouve fin mars début avril à bonne maturité.
Nous effectuons un relevé préalable à l’activité qui nous permettra de constituer un tracé de marche et son éventuelle mise en accessibilité.
La cueillette sur des terrains potentiellement pollués peut avoir un impact sur les teneurs en composés métalliques dans les confitures. L’action s’inscrit dans une démarche de questionnement et de sensibilisation au risque. Aussi nous prendrons soin de réaliser des analyses des produits avant consommation. (il ne seront donc pas immédiatement consommés à l’issue de l’atelier) avec notre partenaire de l’école des mines. »
Stalker la Renouée.
Nous arrivons ce matin avec Delphine Hyvrier dans le jardin ou nous croisons Pierre en plein démarrage de chantier. Après une rapide mise au point sur le contexte de notre intervention, nous nous nous mettons en route, à la recherche de la renouée.
La parcelle se trouve au sommet d’une colline accolée à un parc HLM vieillissant. Nous traversons les zones en défrichées, pour investiguer le versant sud. Nous débouchons sur un parc à vache dans lequel nous ne trouvons rien de notable. En suivant la bordure du terrain, nous entrons dans un vallon boisée. Dans le sous bois détalent un couple de biche. Nous passons une clôture, peut-être deux.
Nous ferons ensuite une découverte peu engageante. Sous nos yeux les reliefs de ce qui semble être un chenil clandestin. Dans ses cages de taules et de grilles mal aboutées restent vestiges de crottes et d’os de bovins pour certains calcinés. Nous ne traînons pas. Il reste un chien dans une cage, nous ferons un signalement à la SPA de Saint-Etienne.
En chemin, nous croiserons un poulailler éventré, des tas de parois isolantes en sandwich d’aluminium et de polyuréthane recouverts de terre, sorte de terrarium baroque de l’anthropocène. Le terrain que nous traversons mi dépôt mi dépotoir témoigne d’une considération toute personnelle du propriétaire pour son bien. Le panneau que nous trouvons montre qu’il revendique son droit dans des termes qui laisse présager d’une représentation toute aussi personnelle sur la définition du déchet.
Nous sommes de retour en bordure des HLM. La séquence précédente nous a un peu mis mal à l’aise. Le chemin que nous empruntons traverse un petit lotissement et débouche sur le coin inférieur du jardin abandonné. C’est à cet endroit, probablement à la faveur du remblais de construction de la maison d’à coté que nous trouvons un patch modeste de Renouée. D’accès compliqué, au milieu d’un dépôt d’ordures sauvages, nous nous y voyons mal emmener un public de cueilleurs.
Nous rebroussons chemin et commençons à suivre la route qui serpente du haut de la colline vers le bas. Ce n’est qu’à son pied que nous trouvons des patches importants. Force est de reconnaître que le dénivelé du premier talus est trop abrupt, sans parler de la largeur du passage automobile, peu sécurisant… Nous descendons encore, la présence est pléthorique … sur le terre plein de l’autoroute qui passe au dessus de nos têtes. Le sol est aussi jonché de résidus de plastiques, de canettes aluminium,… Nous devons nous rendre à l’évidence : notre proposition de cueillette publique ne convient pas à cette configuration. Ce n’est pas ici, ce sera probablement ailleurs.
Une curiosité ethnobotanique bienvenue.
Un chien s’approche, désireux de faire notre connaissance, joyeux et frétillant comme un jeune chien peut l’être. Sur son pelage fauve au poil ras et soyeux que nous ne tardons pas à papouiller, il y a un harnais noir inscrit dessus sécurité. Y est accroché une laisse et au bout de la laisse un homme sexagénaire, souriant. « Il nous demande : je vous vois avec votre pelle, vous faites des prélèvements ? » Nous nous expliquons et nous apprenons par la suite qu’avant sa retraite, il travaillait pour une entreprise qui pose des ouvrages en béton sur les autoroutes.
La renouée du japon il la connaît bien. Il nous dit qu’elle vient avec les mouvements de terre. Il nous dit qu’il y en a plein le long des autoroutes. Que c’est un peu gênant parce que quand on a semé du gazon à la lance, on se retrouve un peu gêné après quelque mois avec ces machins qui font trois mètres à la place de la pelouse. C’est pas si vilain l’été,… Mais l’hiver c’est plutôt moche. Il nous dit que cette plante dans sa profession elle a son petit nom. On l’appelle l’herbe à rat. Parce qu’avec la litière qu’elle fabrique les campagnols, ils adorent y faire des nids. C’est bien simple, quand on tape dedans y a que des rats qui sortent !
On n’a pas trouvé de quoi faire de la confiture, mais on a de quoi alimenter l’ethnographie de la renouée du Japon… C’est plutôt une bonne journée.