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FAITES LES FOINS ! (1/2)

Oct 19, 2020

Récit préparatoire d’une fenaison.

Place du Coq

Nous nous retrouvons au début de septembre au débotté. J’ai voulu m’assurer de faucher une tache de renouée avant que l’aménageur ne nettoie cette parcelle en prévision d’un chantier de démolition. Nous sommes trois. L’organisation est, disons le, rudimentaire. Brahim et Delphine ont accepté de me filer un coup de main de la veille pour le lendemain. Il fait bon, c’est encore l’été.  J’ai apporté un jeu de serpes et de la ficelle « bleue », du café et des croissants.

Avec Delphine, nous rentrons dans la parcelle et faisons connaissance avec une tribu d’une vingtaine de poules qui semblent vivre bien à l’aise sous l’ombre fraîche de la Renouée. Nos premier coups de serpes sont d’ailleurs accueillis par des gloussements désapprobateurs. Brahim nous rejoins et nous continuons notre ouvrage.  A mesure que nous avançons, nous mettons au point des tactiques pour améliorer notre travail. Delphine a l’idée de faire des fagots qui nous serons bien utiles pour manipuler la plante coupée bien encombrante… Elle emploiera d’ailleurs une métaphore sportive pour évoquer cette nouvelle relation. Une fois les fagots formés, nous les passerons par dessus le grillage, au plus près du kangoo dont le coffre servira de tombereau. Nous ferons quatre allés et retour coffre plein pour cueillir six pieds complets de renouée.

Quelques semaines avant cette première expérience, je me suis entendu avec l’amicale Laïque du Crêt de Roc pour organiser avec eux la présence de la ferme de la renouée, dans le quartier, cette saison. Nous entreposerons cette première collecte dans la cours d’un rez de chaussée vacant mis à disposition par l’EPASE (Etablissement public d’Aménagement de Saint-Etienne). Le local est situé à quelques deux cent mètres de notre « prairie ».

 Et quelle prairie ! Nous sortons d’un épisode de sécheresse assez long, la luxuriance de la végétation en est d’autant plus notable. Il y a un beau bouquet de plantes rudérale : aulne glutineux,budléia de David ou ailante pour les plus visible. La pousse d’une année offre un couvert à hauteur d’homme, une forêt en devenir, déjà, qui comme chaque année devrait se voir couper parce qu’il faut :  « mettre propre ».

Pendant notre chantier, plusieurs personnes nous interpellent. « Alors, qu’est-ce que vous faites ? « . Les approches curieuses, portent souvent la préoccupation des habitants de la rue Neyron sur le devenir des parcelles désaffectées. On aimerai bien savoir. On se préoccupe surtout, dans l’immédiat du destin des poules. Privées de leur abris, que vont-elles devenir ?  J’apprends que le troupeau qui vit place du coq vient en fait d’une maison situé au dessus. Elles ont un jour dévalé la pente et sans possibilité de remonter,  elles sont restées là. Il faut dire qu’elles sont bien nourries. Nous trouvons sur le sol, outre déchets plastiques, restes de pièces de scooter et autres encombrants, du pain en quantité, à différents stades de décomposition. La tribu gallinacé a semble-t-il trouvé la terre promise. Elle gratifie en échange les habitants de la rue d’un paysage sonore singulier qui tantôt ravi « je ne pourrais plus vivre sans le chant du coq » tantôt irrite « le coq réveille mes enfants le dimanche matin ». Quand à la renouée, outre sa fonction d’abri à volatiles, elle passe curieusement inaperçue. Elle fait pour ainsi dire partie du décor.

 

 L’expérience du Nombre

J’avais décidé de mettre la renouée en séchage pour utiliser d’un côté les propriétés chimiques des feuilles sèches et m’assurer de l’autre d’obtenir un broyat des tiges sans propagules actives. Mon problème, une fois cette quantité collectée, était de pouvoir créer des conditions de séchage adequat.  J’avais bien réalisé plusieurs tests à des échelles beaucoup plus modestes. Jusqu’ici, j’étais un cueilleur, la plupart des opérations pouvaient se réaliser de manière solitaire. Pour garder des feuilles, je faisait une guirlande que je mettais à sécher sur la rambarde de l’escalier de mon studio. Me voilà confronté à une masse pour laquelle il faut trouver une solution de conservation adaptée au volume de la Renouée.

La première structure permet de stocker les bouquets de renouée entier . Elle présente par contre le désavantage de serrer trop les feuilles entre elles. Cela favorisera leur fermentation. La mise en séchage est peu aisée et réclame trop d’effort physique. Je me bat littéralement avec la plante. Je finis par mettre au point des cadres dans lesquels les bouquets sont stockés à la verticale. Ils atteignent 2 mètre 50 et pour tout dire gagneraient un mètre supplémentaire pour contenir correctement la plante dans son entier. C’est un peu trop grand. La pratique collective de fenaison qui suivra comportera donc une étape de séparation entre les tiges principales et les tiges secondaires. L’adaptation à la morphologie des espaces d’installations disponibles (présence de murs, orientation,…) fait aussi partie d’une démarche opportuniste que j’assumerai pour concevoir la version suivante du séchoir.

Du côté de l’atterrissage de cette première pratique, l’espace que je pourrais utiliser sera incertain jusqu’au bout. Le temps sera trop court pour mettre en place des conventions en bonne et due forme. Dans la période, j’aurai changé 4 fois de plan. Accueilli dans la petite campagne, je jetterai mon dévolu sur un portique en béton, en saillie sur un pignon orienté Sud – ouest. Au vue du nombre de rotations que nous avons du effectuer en kangoo, je me lancerai dans le design de véhicules. Nous construisons un char à renouée que je destine au départ au transport de cadres à remplir directement sur le charriot. Le poids des cadres à vide me dissuadera de procéder de cette façon. Nous décomposerons les charges sur des liteaux que nous viendrons accrocher un à un sur le charriot. Nous les mettrons ensuite sur les cadres que nous couvrirons en fin de fenaison avec une bâche. Après cette période de test, nous mettrons 4 jours à monter la remorque et le séchoir. Voilà, nous sommes prêts pour la suite.