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FAITES LES FOINS ! (2/2)

Oct 25, 2020

Récit d’une fenaison de renouée du Japon.

Passage Hervier

Avec Pierre de la ferme en chantier, Nous avons installé les outils et étendu deux bâches dans le chemin d’accès du terrain sur lequel nous travaillons aujourd’hui. Raymond s’essaye au défrichage. Nous mettons en scène les premières étapes de conditionnement de la plante. Nous nous installons dans un chemins d’accès de quelques 4 mètres de large. Un mois encore avant, l’accès en était bouché par la Renouée du Japon. Les efforts cumulés du voisin, et d’une société mandatée par l’entreprise de démolition à l’œuvre dans l’immeuble à proximité ont eu raison d’une bande d’une quinzaine de mètres. Bien que je me sois entretenu avec les différentes parties prenantes de ce terrain aux propriétés multiples, une bonne moitié de la production de la plante a ainsi été exportée de la parcelle. Qu’importe, ce qui reste nous sera bien suffisant. Devant nous sur une quinzaine de mètres de long et 7 de large, se déploie une tâche bien dense. Les plantes font plus de 3 mètres.

Nous sommes en contrebas du 50, rue Neyron, adresse à laquelle nous avons donné rendez-vous à la dizaine de faucheurs volontaires qui vont venir aujourd’hui nous aider. Nous montons la volée de marches qui nous en sépare pour accueillir les passants à la croisée des rues.

Nous répartissons le chantier sur 4 points. Un premier groupe de 2 à 3 personnes s’occupe de la fauche. Un deuxième sépare les branches principales des branches secondaires. Un troisième réalise des bouquets. Un quatrième les dispose sur un liteau qui est ensuite posé sur le charriot de transport.

Nous viendrons à bout assez rapidement de la parcelle. Tout est quasiment coupé à la fin de la matinée. Le conditionnement prend un peu plus de temps. Il faut dire que le charriot de transport n’est pas vraiment au point. Pour gagner en longueur, nous avions imaginé un rangement sur la hauteur… ce qui fait que l’objet est bien visible pour la déambulation… mais trop haut pour espérer installer plus de 4 liteaux chargés. On peut y ranger l’intégralité des cannes principales. Heureusement, le séchoir n’est pas loin et nous emporterons le reste à pied.

 Nous prenons une pause déjeuner un peu tardive. D’autres participants nous ont rejoint. C’est l’occasion d’échanger sur ce que nous sommes en train de faire et les implications de cette pratique collective.

Sous la frondaison

Le coupe nous permet de relire un relief et une vue que la renouée nous dissimulait. Sa présence et le travail que nous effectuons sur la plante nous ouvre un monde réversible. Il existe un lieu avec et un lieu sans renouée. Malgré la belle situation du terrain, celui que nous découvrons est-il cependant plus beau à l’issue de nos efforts ?

Le sol est en effet jonché de déchets.  Emmanuel, un des faucheurs volontaires, pose une questions très pertinente sur ce sujet. Nous connaissons l’intoxication des terrains par leur usage industriel, nous pensons moins aux effets de décharge sauvage. Dans quel mesure ces apports de matériaux peuvent-ils polluer les sols ? Ils compromettraient ainsi les dynamiques de phytoépuration naturellement à l’œuvre chez certaines plantes rudérales comme la renouée. Les terrains vagues ont quand ils sont accessibles et enclavés une tendance à attirer les déchets… Ils s’y joue une forme de pédogenèse largement artificialisée, processus dans lequel la renouée pourrait avoir un rôle de catalyseur. Parce qu’elle cache le terrain, elle faciliterait le geste de décharge.

Une fois que nous avions découvert la parcelle. Un sentiment curieux se faisait jour. Nous ne pouvions pas laisser le sol “comme ça “ nous devions entreprendre une forme de soin. Pierre a proposé de prendre en charge un chantier de nettoyage. Les “déchets” , ce qui était identifié comme artefact seraient rassemblés à l’entrée de notre champs pour faciliter une collecte par les services municipaux. Certains objets seront récupérés par les faucheurs. Outre la préoccupation légitime de la toxicité de certains matériaux, et leur impact potentiel sur la santé des sols,  quelle interprétation peut on faire de ce réflexe de pousser à côté / mettre propre ? Peut-on autrement imaginer une recomposition de ces matériaux, dans une forme de jardinage des restes ? Outre leur innocuité, Les objets que l’on jette seraient à la fois trop informes pour être gardés et trop en forme pour être sédimentés.  

Au fond du terrain il y a un amoncellement de bouteilles d’eau assez récent. Malgré la météo qui commence à tourner à la pluie en ce milieu du mois d’Octobre, les étiquettes sont neuves et paraissent apporter preuve d’un dépôt assez récent. Un des faucheurs, fait le lien entre la fenêtre de l’immeuble du dessus et cet empilement.  J’abonderai dans son sens en me disant que c’est bien triste d’avoir aussi peu de considération pour son lieu de vie. Une autre faucheuse que je croiserai plus tard émet – elle – une autre hypothèse. Elle pense plutôt à un squat temporaire qui se serait ici trouvé à l’abri des dispositifs de surveillance.

Nous avons croisés des poules, mais aussi des chats, assurément les traces d’un habitat humain. La Renouée du Japon, semble-t-il, offre asile à qui s’ensauvage. Sous ses frondaisons s’abrite un peuple féral dont nous avons effacé les traces. Il faudra sans doute comprendre à l’avenir comment composer avec lui. 

Dans le Séchoir

Après avoir traversé les quelques deux cent mètres qui séparent la parcelle Hervier de la petite campagne, à dos d’homme ou de chariot, les tasseaux chargés de feuilles sont accrochés sur 4 cadres en bois. Opportunément adossés à un arche en béton, nous les recouvrons d’une bâche renforcée par des barres de bois. Nous tendons des ficelles bleues de part et d’autre de la structure pour la tenir au vent.

Nous reviendrons dans un mois pour broyer les cannes sèches et entreposer les feuilles.