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Le banquet des terriens

Dimanche 10 avril a eu lieu l’inauguration de la Ferme des renouées à la friche Charvin. Une soixantaine de personnes sont venues pour en apprendre davantage sur le projet, partager un repas, assister à une représentation du conte « Renouer », puis participer à un rituel de broyage sous un soleil éclatant.

Les préparations

 

 

Les convives arrivent de la marche avec Théo et Mathieu. Ils font d’abord naturellement cercle autour de l’anneau de broyage. J’ai une première conversation avec eux à propos de ce que nous apprenons depuis quelque temps sur cette plante. Le temps de la soupe entendu comme un moment informel est aussi présenté comme un moment de convivialité avec un sol, auquel nous allons restituer l’énergie qu’il nous donne dans la fabrication du broyat de renouée que nous performerons ensemble à l’issue du repas.

La soupe consommée, nous invitons les participant.e.s à s’installer sur les gradins. Le conte-performance provoque une certaine émotion dans le public, que nous n’arrivons pas forcément  à entrainer dans une pratique discursive. Nous distribuons le thé, mais le silence demeure malgré une relance de C.  Les mots reviendront plus tard.

Spontanément par contre, plusieurs personne nous rejoignent, Delphine et moi et s’installent sur les sacs de sable qui forment l’anneau dans lequel nous avons donné la performance. Une belle chose s’est produite.

J’explique alors que nous allons piétiner des tiges de renouées séchées à l’aide de sabots munis de lames, afin d’obtenir du broyât que nous pourrons ensuite composter sur site, en pieds de renouées. Je fais un appel aux volontaires. Très vite, une dizaine de personnes se lèvent et viennent sur la piste circulaire pour fouler le pavé. D’autres se positionnent autour du cercle pour les encourager. D’autres encore vont chercher les fagots de renouée suspendus sur le séchoir. Ils les ramènent au centre du cercle, là où ces tiges se feront très bientôt piétiner.

Broyer, Brailler, Remuer, Renouer !

Nous proposons aux participants de « designer » cette pratique, partant du principe que nous avons conçu des outils et un cadre de travail, mais que nous ne savons pas vraiment nous en servir et que nous essayons d’apprendre à le faire ensemble. Franck, notre chef d’orchestre pour l’après-midi, lance un premier rythme pour nous encourager. Il l’agrémente progressivement d’autres sons issus de son instrument électronique. Il invite ensuite l’ensemble des personnes présentes à taper des mains, se déhancher, faire des pas de côté, soutenir les broyeurs et broyeuses aux sabots tranchants, œuvrant au centre de la piste. Puis il lance « Renouer, renouer… »,  que les participants répètent : « Renouer, renouer… ». L’ambiance est là, la bonne humeur également. Ce petit air deviendra l’hymne du rituel de broyage.

Le tas de renouées diminue progressivement sous nos pas motivés. On apporte le reste des fagots à broyer… Et c’est reparti pour un tour ! Des danses d’encouragement se mettent en place, initiées par Franck et Delphine. Les rôles tournent, les timides du début veulent à présent essayer les sabots, les premiers motivés ne sont pas contre une petite pause. De nouvelles paroles apparaissent : « BROYER ! BROYER ! Broyer, broyer, broyer… ». Le tas diminue encore est n’est bientôt plus que broyât. Des passants intrigués par cet étrange rituel observent la scène de loin, sans trop oser s’approcher. On leur explique, ils se rapprochent, mais restent ébahi par la scène inhabituelle qui se déroule sous leurs yeux. Sur la piste, la motivation commence à faiblir, des derniers encouragements viennent des gradins, la musique diminue… Ça y est, le tas est à présent bien  ! Nous avons mis une petite heure pour venir à bout de nos réserves de tiges séchées : 6m3 dont nous avons  obtenu un demi mètre cube de broyat.

Et pour conclure ?

Avec une broyeuse thermique, j’aurais mis plus de temps à travailler ce volume. Les participants semblent s’être amusés, ils nous remercient, le processus semble être validé ! Des discussions continuent à émerger, alors que les convives du banquet repartent petit à petit. Disons que la pratique fonctionne effectivement sur le plan relationnel.  Cependant, on ne sait pas bien comment finir ni comment se quitter. Encore sous l’effet de ce beau moment de partage que nous venons de vivre, nos visages affichent des sourires satisfaits.

En observant les sabots, c’est l’heure du premier bilan : les lames sont tordues, les fixations glissent et ne s’adaptent pas à tous les pieds. C’est un retour d’usage. Par ailleurs, le principe de question-réponse proposé par Franck ne semble pas fonctionner autant qu’il l’aurai souhaité. Deux options selon lui s’offrent à nous pour mieux orchestrer cette pratique. Soit écrire les actes de la pratique – mais cela suppose d’avoir un entraineur dans le cercle et un à l’extérieur…. ou une autre plus proche de l’idée de danse libre pour laquelle la montée en puissance s’effectue par le choix des musiques passées pendant la partie. Enfin, il nous faut mettre au point une façon de finir le rituel, de manière à collecter plus efficacement les ressentis des participants. Il nous faudra retravailler ces points pour le prochain banquet, le 10 juillet.  Les 22 et 29 avril devraient nous aider, puisque nous devons produire d’avantage de broyat. Nous invitons donc les plus motivés à venir parfaire ce rituel dans les semaines à venir.