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Un sac, un marteau, retour au Labo.

Mathieu m’accueille ce matin à l’Ecole des mines de Saint-Etienne. Dans son laboratoire, il me montre comment il effectue les analyses des prélèvements effectués à la ferme.

Trier la salade.

Je suis venu ce matin documenter la préparation des prélèvements effectués dans les tours à rhizome.  Mathieu pour l’occasion fait pour de faux les différentes opérations pour que je saisisse la chronologie et les enchainements de ce curieux rituel.

Extraire l’information d’une feuille, d’une tige, d’un rhizome ou d’un broyat. Faire parler les morts en quelque sorte. Il y a quelque chose de très manuel. A la fois précis et parfois plus rudimentaires, les gestes ont, à mon étonnement, comme une dimension familière, entre cuisine et sorcellerie.

Mathieu évoque le triage de la salade pour m’expliquer le processus. Si j’ai bien compris, quand on lave la salade, les particules les plus lourdes tombent au fond du bac ce l’essoreuse, et surnage les pousses verte et croquante de la laitue du repas de midi. Sauf que nous ce qui nous intéresse, dans le cas présent, c’est pas la salade. L’eau est dans un premier temps évacuée du processus puisqu’on passe les échantillons dans une étuve. (des fois je me demande comment fonctionne le principe de formation des images dans l’esprit de mes collègues chercheur).

Quand tout est bien sec, il y a encore une étape préalable pour les rhizomes dont Mathieu gratte avec un petit couteau en céramique l’extérieur pour enlever les résidus de terre qui pourraient adhérer à l’organe.

 

Dans les entrailles de l’école des mines.

Une fois bien nettoyés, il faut réduire les échantillons en poudre.

Mais pour cela, il faut aller au sous-sol.
Déterminisme fonctionnel ou subconscient institutionnel ? Intéressant pensé-je qu’une école des mines concentre ses activités extractives à la cave…

Les rhizomes une fois secs sont très durs et ne peuvent pas passer dans le broyeur du labo. La résolution de ce problème a occasionné un petit casse-tête dans l’équipe. Quelle machine utiliser, détourner ou mettre au point ? Jusqu’à ce que Mathieu trouve une solution rudimentaire expéditive. On met l’échantillon dans un sac et on le pose sur le marbre du labo. On tape dessus avec un bon marteau de géologue et le tour est joué.

La poudre obtenue est mélangée avec une solution au dosage précisé suivant la masse. Le but de la manœuvre est de dissoudre toute la matière organique. Le produit minéral obtenu pourra être transféré dans une éprouvette standardisée. Introduit dans le tourniquet d’une machine appelée ICP, il sera bombardé par un laser. En passant au travers de la solution, la lumière se décompose sur le spectre des couleurs. Chaque élément a une « signature » qui permet d’identifier sa nature. Ce procédé s’appelle la spectrographie.

A l’issue du processus d’analyse, le chercheur reçoit un tableau dans lequel se trouvent répartis les différents éléments et leur concentration. C’est un peu lapidaire, mais c’est ainsi, d’un processus de réduction des plantes que leurs matières sont transformées en données brutes. Le jeu de données n’est en soi pas grand chose. Il doit faire l’objet d’une interprétation : la façon de lire la donnée, compte tout autant que la façon de les obtenir. Les résultats sont parfois énigmatiques ou incohérents.
Ils peuvent indiquer un défaut dans le procédé de récolte ou de transformation du prélèvement. Mais une anomalie peut aussi mettre le chercheur sur une nouvelle piste et lui permettre d’affiner ou d’orienter différemment une question de recherche et un protocole d’expérimentation.